Ars Trévoux Tourisme
Ce bâtiment a été construit sur une « ancienne motte castrale » entre le XIe et le XIIIe siècle, en carrons constitués de terre glaise ou argile qui recouvre le pays de Dombes depuis l’époque glaciaire du Quaternaire. Moulé et cuit à haute température, cette brique donne ce parallélépipède de :
- 25 à 32 cm de longueur
- 11 à 14 cm de largeur
- 6,5 à 11,5 cm d’épaisseur
- 7 kg
Au Cambodge les temples d’Angkor ont été construits avec des carrons tout à fait similaires (25 x 14 x 6 cm) mais en l’an 900 !!!! Cette technique de fabrication est venue de Grande Bretagne et a été récupérée par la Savoie au XIIIème siècle. Dans la Dombes, en l’absence de pierres, les constructions se faisaient en terre (pisé) et bois, et ce nouveau matériau est apparu pour les maisons fortes. Posés au sol sans fondations (donc sans cave) les carrons sont liés entre eux par un mélange de chaux et sable. Le ciment n’avait pas encore été inventé. Les murs ont deux mètres d’épaisseur. Ce type de construction se retrouve dans les maisons fortes de la région.
JUYS
JUIS fait partie des 11 maisons fortes de la Dombes toutes construites à la même époque : les châteaux de Saint Paul de Varax, de Bouligneux, du Montellier, de La Grange à Lapeyrouse, de Messimy, d’Ars, les Tours du Plantay, d’Ambérieux en Dombes, la ferme Villon à Villeneuve, etc.
Les douves
Elles ont une largeur de 35 mètres et une longueur de 530 mètres et font le tour du mur d’enceinte. Le mur (à gauche du porche) a été refait dans la tradition dombiste : alternance avec des galets ou « couilles de bressans », pierres roulées par les moraines des glaciers. Au dessus du porche, une statue « Sainte Anne enseignant la Vierge » portant dans ses bras une enfant, sa fille car elle était mère de Marie. Sainte Anne est la patronne des marins et des menuisiers.
Au-delà du porche
Cette ancienne forteresse militaire de défense du XVème siècle est un cube presque parfait : 25 mètres par 26 mètres au sol, 16 mètres de hauteur, 2 mètres de hauteur des créneaux ou dits merlons, 12 mètres du donjon ou échauguette. Cette tour de guet était sûrement ouverte à son extrémité car à 28 mètres de hauteur le guetteur voyait :
- coté Bize (Nord), la Bresse
- coté Soir (Ouest), le Beaujolais
- coté Midi (Sud), le Lyonnais
- coté Matin (Est), le Bugey
Il pouvait donc prévenir d’une arrivée de cavaliers et autres troupes à pieds. La coupole du donjon a été refaite complètement à la fin du XIXème siècle. On peut observer les mâchicoulis au-dessus de la porte d’entrée du Donjon de JUYS : sur ces pierres étaient entreposées des bassines d’huile de poix bouillante (250°) pour « arroser » ceux qui voulaient pénétrer dans le Donjon.
Coté Bize
Non loin du mur d’enceinte : l’ancienne église de la paroisse dont le patron était Saint Rémi, et le cimetière de JUYS.
Le fief de JUYS apparaît en 996. Il était très proche de l’ancienne abbaye de Montberthoud, très active quand elle dépendait de Cluny (934 – 1211) : 40 moines.
Coté Midi, vers les douves
Depuis les familles de JUYS (996), de Thoire-Villars (1315) , de la Palud, Groslée (1373), puis le Duc de Bourbon (1459), au gré des ventes, rachats et saisies, cette forteresse, les terres, la Seigneurerie et toute Juridiction passèrent de seigneurs fortunés en gentilshommes ruinés, félons ou voleurs. Parmi ceux-ci, on peut citer : Guillaume De Balzac (1541, ancêtre de l’illustre auteur Honoré de Balzac), Claude d’Urfé (grand père de l’écrivain Honoré d’Urfé marié avec Marianne De Balzac), Champier, Nicolas Deschamps (1660), Gilbert de La Font (fin XVIIIème), Antoine Hervier, de Mailhet, Chollier de Cibeins (1870) et Berthet (1937).
En 1936, la comtesse de Cibeins étant ruinée, JUIS fut saisi et vendu aux enchères. Les meubles furent mis sur la route pour être vendus aux mieux disants. Elle agrandit la grande fenêtre du salon (pour faire lecture) mais sans les meneaux sur lesquels l’état prélevait un impôt. Les fenêtres du 2ème étage ont été ouvertes en 1938 (par la famille Berthet) pour aménager des chambres. La porte-fenêtre de la cuisine est ouverte depuis 1993.
Anecdote
Madame veuve Chollier de Cibeins possédait le domaine de Cibeins et JUIS. Elle n’avait qu’une fille qui épousa le Comte de Barres. Ce gendre jouait aux courses de chevaux et tous jeux de l’époque dans toute la France. Les dettes se sont accumulées et la comtesse de Cibeins, pensant à sa fille, payait les pertes de son gendre. Arriva le moment où sa trésorerie n’y suffisait plus. Elle ne pouvait plus garder les deux domaines. Elle décida de vendre Cibeins en 1918. Elle pensa au Maire de Lyon : Edouard Herriot. C’est ainsi que Cibeins est actuellement Lycée Agricole d’Etat et les terres attenantes sont dédiées aux plantes, fleurs et arbres pour les jardins et parcs de la ville de Lyon. Après la mort de sa fille, Madame de Cibeins se retira à Lyon où elle fêta son centenaire.
Coté Matin
Les 3 fenêtres avec grilles en fer forgé sont d’époque : XVIIIème siècle. Le mur d’enceinte ne faisait pas le tour de la forteresse. Il prenait appui sur l’angle du mur et s’adossait sur celui du four à pain. Cette façade était donc ouverte directement sur les douves.
Le perron a été construit par Madame de Cibeins pour que de sa chambre elle puisse sortir au soleil levant.
Dans la cour
Portail en « arc brisé » d’origine dont les doubles portes ont été refaites à l’identique par Gabriel LARDET (1983) menuisier à Savigneux, avec conservation des anciennes ferrures et serrures du XVIIIème. Ce travail fut accompli dans le cadre de son activité artisanale. Il a été aidé par Loïc Lambert (Compagnon du Devoir) achevant son tour de France dans la région, actuellement installé à Reims, gérant une entreprise spécialisée dans la rénovation des Monuments Historiques.
Cet édifice, extrêmement original, constitue un modèle unique en France d’architecture militaire. C’est un des rares dont une muraille n’ait pas été abattue pour ouvrir la cour intérieure. Sur l’angle Bize – Soir (Nord-Ouest) a été dressé ce mini-donjon cylindrique porté par un grand arc lancé dans le vide en diagonale entre les courtines. Une très grande hardiesse de l’architecte pour l’époque. Le chemin de ronde est toujours présent. On devine les anciens emplacements des poutres sur les remparts du Matin : un plancher permettait donc l’accès au chemin de ronde et au donjon.
Le logis adossé aux courtines Matin et Midi devait être très différent en 1459. Il a été refait au XIXème siècle. Il reste encore le blason de la famille de Balzac.
On peut remarquer le bénitier monumental de l’ancienne paroisse St Rémi. Le puits date du XVIIIème : 13 mètres de profondeur, 5 mètres d’air, 8 mètres d’eau soit environ 8 000 litres d’une eau extrêmement pure (absence de nitrate et phosphate – analysée par le Laboratoire Santé Environnement Hygiène de Lyon).
Il est alimenté par une rivière souterraine (et non par la nappe phréatique qui est à 60 mètres de profondeur) en provenance du Bugey et des Alpes. Tous les puits du quartier ont à peu près la même profondeur.
La Mairie de Savigneux et l’Association Patrimoine en Dombes et Saône remercient sincèrement Monsieur Marc Berthet qui nous accueille et nous guide dans sa propriété à l’occasion des Patrimoniales 2012, ce samedi 21 juillet.
Anecdote
vous fermez les deux portes et le soir vous pouvez rester en chemise dans la cour alors que si vous sortez à l’extérieur, il vous faut une petite laine.